Au coeur des ténèbres ...

[Manchu, le Fu]

[H +6]
Le Méphisto créa son point de Vérité et se matérialisa dans le vide interstellaire dans un flash de lumière octarine. A moins d'une demie AL rougeoyait une étoile naine et solitaire. Le commandant du Méphisto sélectionna l'un des programmes de camouflage avec lesquels Djal avait joué quelques heures plus tôt, et imprima un mouvement de rotation sur lui-même au navire, tandis que le système d'occultation créait un astéroïde virtuel autour de sa coque. Gurvan redressa son siège qu'il avait incliné en position de veille, se leva et s'étira en faisant craquer ses articulations. Il se connecta au circuit intercom, sélectionna les indicatifs de messieurs Orkalys et Le Fu :

"Manchu, Khaad, je vous attends dans mon bureau. Si l'un de vous passe par le carré de l'équipage, un petit déca ne serait pas de refus..."

"Asseyez-vous... Bon, deux choses."

Il émit quelques commandes silencieuses par son plot vertébral, et une projection holographique du secteur de Charybde s'afficha au-dessus du plateau de son bureau. Il fit zoomer la simulation, la déplaça vers l'Ouest, en direction de l'A12S. Il se concentra, fit apparaître une demie-douzaine d'étoiles non répertoriées autour de Ludio et de Myrtil.

"Manchu, au cas où les choses tourneraient mal... Si tu es encore en état de piloter quelque chose -- ce navire ou un autre -- et que je ne le suis pas... ou plus... Les coordonnées de ces systèmes m'ont été transmises avant une précédente opération que Khaadaric, Khrys, notre vieil ami Epstar et moi-même avons mené pour l'Alliance. Ce sont des points de chute, des relais où on peut trouver des vivres, de l'équipement, de l'antimatière, et de quoi réparer d'éventuels dommages. Mémorise bien leur localisation. Ne les note nulle part -- tout dans la tête, Manchu. Compris ? D'autre part, et toujours dans le cas où je ne pourrais pas le faire moi-même, tu te chargeras de préserver la dépouille mortelle de Sémirande, et de la ramener aux siens sur Vonda."

Manchu sortit difficilement de son mutisme, comme à chaque fois que son quart de repos s'était transformé en torture mentale à cause de ses cauchemars récurrents. Encore ce traumatisme du passé que ni l'usage de multiples psychotropes ni les missions "trompe-la-mort" n'avaient réussi à évacuer de sa mémoire.

Hochant la tête en direction de son commandant de bord, le second pilote Le Fu prit enfin la parole :
"Entendu Gurvan ! J'enregistre les coordonnées spatiales de ces caches d'autant plus sûrement dans ma tête qu'en plus de mes méninges 100% organiques, je vais en stocker une version crypto-codée dans mes extensions mémorielles ... Pour y accéder, il faudra me charcuter le cerveau et en arracher les clés d'accès !"

Puis, prenant le ton solennel approprié, il continua :
"Je promets de préserver la dépouille mortelle de Sémirande et de la conduire à sa famille comme j'ai jadis dû le faire avec mon propre frère. (GROS SOUPIR) Mais j'espère bien que nous pourrons tous nous acquitter de ce devoir ensemble."

Enfin, avec l'air coupable du communiant qui avoue un péché :
"Je profite de cet instant pour vous révéler à tous les deux ..." oO(en espérant que Khaadaric ne m'arrachera pas la tête) "... que, sur Estébois, mes employeurs étaient très probablement vos ennemis. Je n'en ai pas la preuve mais je ne vois pas qui d'autre aurait voulu importer illégalement des formecs de combat en pièces détachées avec un livreur-mécano-formateur comme moi. Des missions comme ça, j'en ai acceptées pas mal dans le passé ... Sûrement de l'auto-flagellation sans vouloir faire de la "psychologie à 2 crédits" ... Mais je pense avoir tourné la page maintenant. J'ai eu des mois pour réfléchir et maintenant une mission qui me fait oublier mes propres problèmes."
... la dernière phrase de son monologue ayant été prononcée sans conviction.

[Khrys]

// en théorie, Khrys dort à ce moment là... il risque de louper la mort d'un énième navyborg à bord ? :rofl:

[Gurvan]

Gurvan esquissa un sourire :

"Oh, tu sais... Estébois est loin maintenant. De plus c'est un monde indépendant. Ce que toi et Djal y avez fait ne regarde que votre conscience. Je n'irais pas vous dénoncer à la justice impériale, ni personne d'autre à bord je pense. Nous avons besoin de vous deux, et en ce qui me concerne, risquer votre vie comme vous l'avez déjà fait et comme vous aller le faire absout vos fautes."

[Manchu, le Fu]

"Merci Gurvan ! Mais je devais en parler. J'avais besoin de soulager ma conscience avant de me jeter plus avant dans la gueule du loup."
Rassuré par son supérieur à bord du Méphisto, l'enseigne Le Fu se remit au travail sur la passerelle tandis que M. Antillès partait se reposer.

[Mayaul Jack]

Mayaul assista Le Fu pendant toute la durée de vol en espace normal, regardant comment pilotait son collègue de la Guilde, le corrigeant et apprenant certains de ses trucs, Mayaul revivait des évènements passés, lorsqu'il était un convoyeur fiable, solide et droit avant de basculer... il prenait goût à l'évocation de ces souvenirs, en outre l'Enseigne avait l'air bien torturé lui aussi, derrière les protocoles de vols spatiaux, sous la maitrise se dissimulaient le stress et l'inquiétude... un peu comme pour Jack lui-même.

Durant deux heures, en lien avec Djal et SixSuit, il ne firent qu'un avec le Méphisto, à eux quatre, ils s’efforcèrent de donner à leur navire le comportement que suggérait l'aspect de la coque mimétique et les holoprojecteurs, les deux pilotes s'adaptant à l'infonaute et à son compagnon informatique pour survivre et vaincre les Sombrenefs.

Lorsque Le Fu bascula dans le Triche Lumière, Mayaul se leva et s'étira longuement, c'est mon signal pour aller dormir, camarade, toutes ces virevoltades m'ont épuisé, amuse toi bien dans les coulées de miel!

Dans les coursives et par infracom, Djal, je vais me reposer, si tu découvres de nouvelles illusions, n'hésites pas à m'appeler, je ne pense pas que je vais dormir profondément.

[MdJ]

Espace … frontière de l’infini, vide peuplé de poussière stellaire dans lequel le Méphisto flottait librement, dérivant au rythme de la lente expansion de l’univers.

Silence. Repos.

La mince peau technologique de leur navire les protégeait.

Elle protégeait les rêves de Khrys …

Il se retourna dans le champ de force qui épousait son corps, objet flottant dans un objet flottant. Ses yeux s’agitaient sous ses paupières closes, cherchant à donner un sens aux images issues de son inconscient. Qui était cet être composé de milliers de créatures grouillantes dorées qui lui parlait dans l’ombre ? Que disait-il ?

Non loin, assis dos à une cloison de la salle de l’œuf, khaadaric observait ses griffes qu’il avait sorti pour l’occasion. La céramique auto affutable n’avait guère besoin d’entretien, mais il aimait le reflet opalescent que les spots faisaient danser sur celles-ci. Un pur moment de plaisir esthétique.

Il n’avait pas sommeil. Bizarre d’ailleurs. Il était debout maintenant depuis de longues heures, il s’était dépensé sans compter. Non, il n’avait pas la moindre envie de dormir. Il voulait se battre. Il secoua la tête comme pour en chasser un hanneton … Il sentait depuis quelques heures une pression.

Une présence.

Il leva un œil en direction de « l’œuf » qui palpitait doucement dans son berceau de lancement. Un malaise l’envahi. La chose n’avait pas l’œil, mais il était certain qu’elle l’observait.

Manchu assurait son quart, laissant ses compagnons se reposer. Les scans passifs étaient vides. Rien, le néant … des rocs éparts qui avaient appartenus autrefois à la surface d’une planète et qui un jour sur le chemin de l’éternité en feraient de nouveau partie.

Au loin un transistel Kiffish alluma brièvement ses impulseurs de manœuvre, se stabilisant, avant de commencer à dériver imperceptiblement. L’alarme s’alluma sur la console an-tac, signalant le mouvement … vert : le navire était identifié et son mouvement ne présentait pas de danger tactique pour leur vaisseau. Manchu reprit sa longue veille, hésitant à se passer de la musique pour ne pas sombrer dans l’ennui …

Au dessous les mécaniciens dormaient eux aussi. Confortablement installés au plafond, enlacés, ils étaient plongés dans les rêves de leur race, des rêves étranges, tactiles, qui laissaient aux télépathes humains qui s’y étaient risqué des sensations de membres fantômes à leur retour …

Dans le salon invité les commandos dormaient, une partie d’entre eux en tout cas, ceux qui n’étaient pas de garde, ceux qui n’étaient pas en train de vérifier leur équipement ou comme l’ogresse de Holst de s’entrainer. Elle avait récupéré une barre de chargement dans la cale et l’avait coincée entre deux trappes techniques au plafond. Jambes jointes, à l’équerre, elle enchainait les tractions, le souffle haché par l’effort, la peau luisante … 82, 83, 84 …

Gurvan dormait d’un sommeil léger, attentif, comme d’autres capitaines avant lui à son navire, aux sons, aux grincements, au roulis virtuel que lui transmettait sa liaison par pv. Même à la lisière du sommeil il veillait.

Djal était plongé dans un rêve programmé, un rêve ou de jolies lapines à forme humaine se trémoussaient avant de s’enfuir dans un une jungle luxuriante où le soleil en colonnes dorées perçait la sombre canopée. Sixsuit se battait pour éloigner les monstres qui peuplaient cette forêt, pour dissiper les créatures faite de l’ombre dont sont faits les cauchemars.

Mayaul rêvait-il ? Rien n’était moins sure … ses yeux cybernétiques aux multiples facettes fixaient le ciel artificiel de sa cabine sans ciller. Il était immobile, prince cybernétique de conte de fées composite. Qu’attendait-il ? Que le baiser de l’être aimé le tire de son transe, redonne vie à ses membres engourdis, fasse battre son cœur un peu plus vite et chasse le mauvais rêve dans lequel il était plongé depuis trop longtemps ?

Les électrons s’égrenaient doucement dans l’horloge du bord …

[Djal Gorda]

Confortablement lové dans la tiédeur de son matelas gravifique, un filet de bave séché aux bords des lèvres, dans la douce lumière tamisé de sa cabine, Djal murmurait inlassablement : "Lapines... kkkk... Lapines... kkkk..."

:clap: excellent holodream, très cher MJ ! Avec l'aide de Khrys je pense pouvoir le commercialiser

[Gurvan]

Gurvan dormait, flottant en apesanteur entre ses deux plaques de couchage. La projection holo qu'il avait choisie pour s'endormir -- clarté bleutée, récif corallien, anémones de mer, bancs de poissons multicolores -- s'était estompée, ainsi que la musique d'ambiance feutrée qui l'avait accompagnée. Sa cabine était plongée dans une profonde pénombre, uniquement éclairée par la lumière froide des étoiles lointaines qui tombait par la verrière énergétique polarisée du plafond.

"Veille qui veut vivre, Gurvan."

"Je sais, Sémi..."

Il s'agita dans son champ de suspension, fit pivoter ses épaules comme pour se retourner ce qui imprima un mouvement de rotation à tout son corps, aussitôt compensé par les champs de force de sa couche. Il sentit une présence dans l'obscurité, redressa brusquement le torse, regarda sur sa droite.

Une forme humaine indistincte se tenait assise au sol de l'autre côté de la pièce, adossée au panneau coulissant d'entrée, une jambe tendue et l'autre pliée, comme si elle se détendait elle aussi. Apparemment petite, incontestablement féminine. Son visage n'était pas éclairé. Ce n'était qu'une ombre floue, comme aperçue au travers d'un voilage translucide. Mais cette attitude, cette pose, il l'avait déjà vue, dans le carré d'équipage converti en salon de repos.

"Sémi ? Qu'est-ce que..."

Il se réveilla. Presqu'inconsciemment, son plot envoya la commande d'éclairage au niveau minimum, et il scruta l'endroit où s'était tenue l'apparition. Il n'y avait personne d'autre que lui dans sa cabine. Le panneau d'entrée n'avait pas bougé.

oO( Ce n'était qu'un rêve... )

Il coupa mentalement l'éclairage. Et se rallongea, sans avoir le souvenir de s'être levé. Il ferma les yeux, mais eut du mal à retrouver le sommeil.

[Khrys]

Globule s'alluma à l'heure programmée par Khrys. Il tinta comme un tiroir caisse dans lequel se déversait des pièces d'or :mrgreen:

Khrys sourit. Sortant de son sommeil en douceur, il s'étira. Puis alla prendre une douche à particule, avec une ambiance musicale très sibylline. Nu comme un vers, il médita un moment sur sa couche, ancien exercice issu de sa formation cléricale.
L'esprit serein, il s'habilla d'une façon toute rituelle.

Il vérifia ensuite les diverses possessions, et celles laissé par M. Baser. Tout était correct.
Il alluma la console de bord, contrôla que tous les paramètres étaient conformes.

Le salon où séjournait été calme, les soldats s'étaient rassemblés sur un canapé géant formant une ligne face à un écran holo. Ils avaient choisi un des "classique" du genre film de guerre: "Il faut sauter sur Zharub VI". Ils avaient l'air de passer du bon temps.

Il alluma machinalement l'écran servant d'interface avec les marchés financier, mais un message lui indiquant que la liaison était impossible le ramena à la réalité. Ils étaient en mission militaire...

Il effleura les différentes commandes pour tout éteindre, puis sortit de sa cabine confortable et rassurante.
Croisant peut-être quelqu'un dans les couloirs en direction de la passerelle.

[Manchu, le Fu]

Mayaul assista Le Fu pendant toute la durée de vol en espace normal, regardant comment pilotait son collègue de la Guilde, le corrigeant et apprenant certains de ses trucs, Mayaul revivait des évènements passés, lorsqu'il était un convoyeur fiable, solide et droit avant de basculer... il prenait goût à l'évocation de ces souvenirs, en outre l'Enseigne avait l'air bien torturé lui aussi, derrière les protocoles de vols spatiaux, sous la maitrise se dissimulaient le stress et l'inquiétude... un peu comme pour Jack lui-même.

Manchu Le Fu ressentait de l'empathie pour le nouvel arrivant dans l'équipage. Ce Jack Mayaul avait apparemment lui aussi traversé des moments difficiles et Manchu percevait cette souffrance.

Après le retour dans le Triche-Lumière, de nouveau plongé dans la noire solitude, le pilote-en-second ne put s'empêcher de repenser aux tragiques événements qui avaient fait chanceler puis sombrer son existence.
Natif d'une Orbitale, prédestiné à devenir un pilote TL hors pair, un as des as, il avait échoué aux examens de la Guilde car atteint d'une grave maladie. Réparé grâce à la cybernétique (à l'image de Mayaul), il s'était réorienté vers les tâches moins valorisantes (à ses yeux) de mécanaute. Son plus jeune frère, le préféré de sa famille communautaire, l'avait même rejoint dans cette formation. Ce compagnon chéri lui avait redonné le goût de se surpasser. Jusqu'au drame ... Ce terrible entraînement qui avait mal tourné ... La puissance enivrante des formecs de combat ... Le duel fratricide ...
Impossible de chasser ce traumatisme de sa mémoire. Jours et nuits, il était hanté par la tentation du suicide.

Le vide quasi-absolu du TL (et ce malgré une psychoperception qui s'étendait à des dizaines d'EAL alentour) n'aidait en rien Manchu à chasser ces sombres pensées de sa tête mi-organique mi-électronique. Il en venait à s'impatienter, à désirer être au coeur de l'action, face aux monstrueux ennemis qui allaient peut-être lui offrir la mort qu'il espérait depuis si longtemps.
Mais d'un autre côté, il avait retrouvé des compagnons. Impossible de souhaiter leur disparition ...
Quel déchirement !

Allez, un peu de musique pour "se remonter le moral" (par commande mentale à l'ordinateur de bord): celle du barde protohistorique Kurt Cobain.
Lorsque les notes assourdissantes de Nirvana et la voix reconstituée de son chanteur emplirent la passerelle, Manchu Le Fu plongea son regard vitreux dans la noirceur soufrée de l'infini. S'il survivait encore une fois, il s'offrirait sans doute une bouteille de ouisky et une homéopute sur le monde Moebius. Mais en aurait-il encore le goût ?