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Pendant ce temps (à Veracruz)...
#1
L'astroport-sol de Loiselle se trouvait au nord du continent austral de Vonda, tout près de l'équateur. Les tempêtes de neige qui couvraient Tonka City d'un manteau de flocons teintés de rose par les rayons de Maxime étaient plus rares ici. Mais la température moyenne annuelle restait tout de même assez basse, guère plus de 10°C. Un paysage de toundra entourait la troisième ville de la planète. Celle-ci n'avait eu l'honneur d'être dotée de son propre spatiodrome que parce qu'elle se trouvait à proximité des principaux centres industriels produisant les marchandises destinées à l'exportation.

La nuit était tombée depuis une heure, entraînant également une chute de quelques degrés de la température. Mais l'activité de l'astroport n'avait quant à elle pas diminuée. Elle était même plus intense. C'était en effet à ce moment que les transactions les moins officielles y étaient conclues, que des cargaisons s'y échangeait sans laisser de traces dans les bourses aux matières premières de l'infosphère locale, et que les capitaines de vaisseaux les moins regardants (qui a dit contrebandiers ?) y embauchaient des équipiers ou embarquaient des passagers désireux de quitter la planète discrètement.

Cela convenait tout à fait à Cuperno d'Eol, et c'est la raison pour laquelle ce soir encore, il vadrouillait nuitamment sur le tarmac. Encore que vadrouiller ne soit pas le terme exact, car il implique une sorte d'insouciance que Cuperno ne pouvait se permettre.

Il était sur liste noire et il le savait. Sa dernière affaire avait mal tourné, ses associés l'avaient lâché et maintenant, il lui fallait s'éclipser discrètement. Les portes-flingues du syndicat local mettraient à coup sûr la main sur lui s'il se contentait de retourner à Tonka City, et le Continent Sauvage n'était définitivement pas une solution. Aussi Cuperno errait-il sur le terrain d'ultrabéton à la recherche d'un embarquement, louvoyant entre les cargos minéraliers ventrus et les transporteurs mixtes, jetant des coups d'oeils craintifs autour de lui quand il ne ruminait pas en regardant ses pieds, et omettant parfois de regarder où il allait.

C'est ainsi qu'il buta tête baissée dans un obstacle heureusement assez mou. En levant les yeux, il constata qu'il venait d'entrer en contact avec le ventre d'une montagne de muscles de 2m20 de haut. L'Être était un humanoïde ogresque vêtu d'un blouson de cuir et d'un bermuda de toile. Sa peau était une sorte de cuir vert foncé, son large visage aux traits massifs était surmonté d'un crâne chauve à l'exception d'une petite queue de cheval noire. Le Hulk des vieilles légendes. Sa voix profonde était à l'avenant, mais Cuperno fut légèrement rassuré en apercevant la lueur amusée dans ses yeux sombres :

"'Faut faire attention où tu marches, fils. Qu'est-ce que tu fabriques dans le coin des stoppeurs ?"
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
#2
Le premier réflexe de Cuperno fut défensif. Petit bond en arrière, jambes légèrement fléchies, les mains vers l'avant, il était prêt à toute éventualité, surtout désagréable.
Tous les sens en alerte, il ne lui fallut qu'une demi-seconde pour se faire une idée de l'engin qui venait de lui barrer la route.
Pas rassuré par le gabarit de l'obstacle, Cuperno misa tout sur le sourire amical de l'ogre et décida de la jouer "décontracté". Bien que purement de composition, c'était un rôle qu'il maitrisait à la perfection, en toute circonstance.

"Excusez-moi, je ne vous avais pas vu... C'est vous dire si je suis distrait !"

Il arborait son sourire charmeur, mais viril, une valeur sure.

Ce devait probablement être un de ces instants décisifs ou l'on peut gagner beaucoup, et perdre encore d'avantage. Cuperno avait eu son lot de décisions difficiles et de prises de risques plus ou moins calculées, mais pas le choix, il fallait encore compter sur son flair pour quitter cette planète. Si son charme lui faisait rarement défaut, son flair n'était malheureusement pas sa qualité la plus infaillible... Surtout ces derniers temps...

"On m'a donné rendez-vous par ici, mais je crois qu'on m'a oublié, ou que je me suis égaré... Vous connaissez Dieptr Burar ?"

Il venait d'inventer le nom, peu de chance que le formec vivant qu'il venait de "rencontrer" le connaisse. Quoique... Avec la malchance qui l'accablait ces derniers temps...

"Il avait du boulot pour moi."

L'ogre était appâté, Cuperno espérait que son appétit était raisonnable...
#3
Sans se départir de l'expression amusée qui faisait briller ses yeux, l'ogresque humanoïde secoua sa tête massive de droite à gauche :

"Jamais entendu ce blaze-là, fiston. Si ton Dieptr Burar bricole des choses ou tient un biznesse, ce n'est pas par ici. Je connais tout ce et ceux qui touchent de près ou de loin au milieu des stoppeurs sur ce bout de caillou gelé, et il n'en fait pas partie. Tu m'as l'air trop malin pour t'être paumé : ton pote t'aura mal aiguillé, ou alors il t'a posé un lapin. Bon, maintenant, pour ce qui est du taf'... De nuit, sur un astroport, j'imagine que ce n'est pas une place de danseuse exotique que tu recherches ? Je me trompe, fils ?"

Il sortit un cigare de la taille d'une lampe torche de la poche de poitrine de son blouson, farfouilla pour en extraire un épais barreau de chaise qu'il tendit à Monsieur d'Eol :

"Tu fumes ? Je m'appelle Gorm Redian. Et toi ?"

La caisse sur laquelle il posa son colossal postérieur émit un long cri de plastex surmené, tandis qu'il en montrait une autre à Cuperno, l'invitant à s'asseoir.
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
#4
Cuperno accepta le cigare avec un grand sourire. Il n'aimait pas tellement cela, mais il avait appris à apprécier toutes sortes de choses, même les plus étranges, surtout quand elles étaient offertes par un si charmant inconnu.

"Ne sous-estimez pas mes talents de danseuse... Vous seriez surpris !"

Risquant une poignée de main :

"On m'appelle Gédéon, pour vous servir. Et grand merci pour le cigare."

Il serait bien temps de décliner sa véritable identité quand il saurait exactement à qui il avait à faire. Il ne fallait pas rater une opportunité, l'atmosphère semblait plutôt détendue et l'ogre plutôt sympathique, mais Cuperno n'était vraiment pas en terrain conquis...

"Si mes talents de danseuse ne sont pas recherchés, je peux faire un excellent homme d'équipage. J'ai assuré le confort sur de nombreux vaisseaux et personne ne s'est jamais plaint de mes services."

Disant cela, il lui revenait à l'esprit le visage pourpre et grimaçant d'un gradé de la guilde, mais il y avait prescription, et l'anecdote n'était certainement pas opportune.
Conscient que la sanction cette fois pourrait être autrement plus lourde s'il faisait une fausse manœuvre, Cuperno n'eut même pas le temps de se déconcentrer et continua à bousculer sa chance pour voir jusqu'où cela pouvait le mener.

"Si vous connaissez quelqu'un que cela pourrait intéresser, je peux officier sur à peu près n'importe quel vaisseau... A cette heure, ce cigare est vraiment délicieux. Encore merci !"
#5
Un sourire se dessina sur le large visage de Gorm Redian. Il tira sur son cigare, souffla un cumulo-nimbus de fumée bleutée et répondit :

"Enchanté, Gédéon pour vous servir. Gestionnaire de bord, c'est ça ? Bon, je vais être franc avec toi, fils, je ne connais pas de capitaine qui serait susceptible de t'embarquer. Mais si ce que tu cherches, c'est te barrer d'ici vite fait, j'ai peut-être un tuyau..."

Il souffla une nouvelle bouffée.

"Tu ne m'as pas encore demandé ce qu'on stoppe par ici, à part les passants distraits. Ici, c'est le carré des astro-stoppeurs, fiston. Ou les Routards du Vide, selon certains pressyborgs un peu poètes. A voir ta tête, tu n'en as jamais entendu parler..."

Il montra du doigt un petit groupe d'Êtres à une vingtaine de mètres, assis eux aussi sur des caisses en plastex autour d'un brasero à fusion froide. Derrière eux, Cuperno put apercevoir dans la pénombre plusieurs grandes sphères argentées flottant à quelques centimètres du tarmac sur leurs antigravs au repos.

"Le principe, c'est qu'on embarque dans une bulle de survie un peu spéciale. Le bazar n'est pas fait pour se poser sur un monde, mais pour grimper en orbite. L'idée, c'est de se positionner correctement dans l'espace cislunaire pour que ton transpondeur soit capté par un vaisseau en partance, et que son capitaine accepte de te prendre à son bord avant sa translation TL."

"En principe, c'est illégal, mais pas suffisamment pour qu'il n'y ait pas une demie-douzaine de compagnies qui fabriquent le matos. Quant aux autorités planétaires, elles ferment les yeux, ou regardent ailleurs : ça leur permet de se débarrasser des éléments indésirables. L'avantage de la méthode, c'est qu'au regard du Cosmob, l'astro-stoppeur est considéré comme étant en péril, donc les navires qui captent sa balise se doivent de lui porter assistance. En général, ça marche... Mais c'est assez dangereux."

Nouveau nuage de fumée.

"Voilà, ça c'est l'astro-stop. Qu'est-ce que t'en dis, fils ?"
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
#6
Observant son cigare tout juste allumé :

"Je comprends mieux le cigare... Le dernier plaisir du condamné !"

Cuperno sourit largement à son interlocuteur, comme pour lui montrer qu'il n'était pas vraiment impressionné, ce qui était l'exact contraire de la vérité...

"Il faut être rudement pressé de partir pour utiliser votre combine... Et il vaut mieux tomber sur un capitaine compréhensif une fois récupéré. Vous avez quel taux de réussite ? Je veux dire de survivant qui ne sont pas ramenés illico presto à leur point de départ..."

La question était posée sur le ton du badinage, mais l'imagination de Cuperno s'activait pour envisager les difficultés de l'opération, les chances de réussite et où cela pouvait bien le mener.
Toutes ces considérations étant à évaluer également dans le cas où il déciderait de chercher une autre solution.
Il fallait qu'il se soit mis dans une sacré panade pour envisager la possibilité de tenter ce genre d'expérience...
Cette fois, c'est sur, on ne l'y reprendrait pas !

Mais pour l'heure, il ne pouvait pas se payer le luxe d'ignorer la montagne de muscle et de chaire qui lui faisait face.
#7
Gorm Redian partit dans un grand éclat de rire sonore qui dut faire vibrer la coque du Tabron le plus proche, à une centaine de mètres de là.

"Tu sais que tu me plais bien, fils ?"

Monsieur d'Eol avait pût constater que la bouche de l'ogre contenait une quantité inhabituelle de dents très carrées et très blanches, mais cette dernière réplique ne signifiait pas forcément qu'il allait se faire manger en sauce.

"Je t'ai dit tout à l'heure que les autorités laissent faire parce que l'astro-stop est pour elles un bon moyen de se débarrasser des emmerdeurs. Mais les emmerdeurs étant ce qu'ils sont, un nombre étonnant d'entre nous survit. Il y a des tuyaux à connaître : moi, ça fait dix ans que je vis comme ça."

"Se faire ramener au point de départ ? Nous n'avons pas d'émetteur hyperondes dans nos engins : avec les réseaux satellitaires de détection autour des mondes impériaux, nos signaux de position seraient vite quadrangulés et la Division Nova nous enverrait des navettes pour nous récupérer. Non, non, nos transpondeurs utilisent de bonnes vieilles ondes hertziennes, des faisceaux laser et des salves de neutrinos. Par contre, nos senseurs sont tip top, histoire d'être vite prévenu dès qu'un navire approche. On a de quoi survivre à bord pendant deux mois, et assez de propulsif pour changer de position une dizaine de fois."

"Et pour ce qui est des capitaines compréhensifs, si tu n'es pas manchot, en général ils te prennent comme équipier pour le voyage et tu payes ton billet en bossant à bord."
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
#8
"Dix ans que tu vis comme ça ? Ça, ça m'en bouche un coin... En y réfléchissant bien, si ça marche, ça doit être une sacré aventure. Tu risques ta peau pour embarquer sur un vaisseau inconnu, avec un équipage inconnu, vers une destination inconnue... Respect l'ami, vous êtes une belle bande d'allumés !"

Hilare, Cuperno avait dit cela sur un ton amical et franchement admiratif.

"Pour couronner le tout, il doit falloir un paquet de crédits pour s'envoyer en l'air. C'est surement pas le même prix que les libres demoiselles de Loiselle !"

Réflexion faite, le compte en banque de Cuperno allait peut-être décider à sa place du bien-fondé de cette escapade orbitale.
#9
Gorm Redian tira une nouvelle fois sur son cigare et expulsa un nuage de fumée qui aurait fait l'admiration des conducteurs de locomotives à vapeur de Piezo IV.

"Figures-toi que si je t'en parle, fiston, c'est parce que c'est moins cher qu'un billet pour Tréfolia en confort de type 3. Si tu es intéressé par ma combine et que tu as un peu de crédits, on va aller voir une de mes relations, et ce serait bien le diable si on n'arrive pas à te trouver une doudoune de première main. Alors, Gédéon Pourvousservir, ça te tente ?"
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
#10
Et voilà, il fallait déjà qu'il se décide. D'expérience, dans ce genre de situation, Cuperno prenait toujours la mauvaise décision. Et inutile de se dire "je suis tenté de faire ça donc je vais faire le contraire", la décision finale sera de toute façon mauvaise, c'était son karma, sa destinée.
Cela dit, son karma était sans doute bien aidé par le fait qu'il n'y avait probablement pas de bonne décision à prendre...

Toujours souriant :

"Je vois que les affaires ne trainent pas ici. Casser sa tirelire pour buller pendant deux mois, c'est pas comme s'offrir une nouvelle paire de pompes. C'était pas sur mon planning de la journée..."

"En même temps, j'ai vraiment besoin d'aventure en ce moment. J'aimerais assez rencontrer ta relation."


C'était fait, sauf accident sa décision était prise. Il essayait déjà de s'imaginer dans quelle poubelle interplanétaire il allait échouer... Si tout se passait bien... Ou s'il n'était pas tout simplement en train de se faire arnaquer...


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