2012-02-06, 11:15 PM
[Virik]
Le juge hatani s'enfonça donc dans les bas-fonds d'Elikale. Il commença par faire le tour des quartiers périphériques de Fuschia, la cité des loisirs. Dans les faubourgs de la ville rose, les plus éloignés du luminaire artificiel suspendu au sommet du dôme, les ruelles étaient plongées dans la pénombre, et les holo-néons aux couleurs criardes et au goût douteux des établissements les moins recommandables de la station essayaient d'appâter le chaland en goguette : touristes venus s'encanailler, négociants en affaires louches venant sceller un accord suspect, adminteks de la ville blanche cherchant à se défouler après leurs journées de travail.
La première boîte de nuit où il pénétra était occupée exclusivement par des humains. Il fendit la foule qui s'agitait sur la piste de danse pour s'approcher du comptoir, avisa les regards et les froncements de sourcils tout autour de lui. Le barman auquel il s'adressa marmonna sur un ton peu commercial :
"Kesskiveu, le greffier ?"
Tout en sirotant son habituel jus de prune, Virik Kiikti tendit alternativement une oreille puis l'autre, saisissant des bribes de conversations aux alentours, qui pouvaient par la plupart se résumer par :
"Putain d'exo... Qu'est-ce que c'est qu'il fout là ?"
Il jugea plus prudent de rapidement terminer sa consommation et de s'éclipser. Le deuxième night-club où il s'arrêta avait une clientèle plus cosmopolite, mais lorsqu'il parvint enfin au bar après avoir une nouvelle fois louvoyé sur le dance-floor, c'est sur une paire de barmaids-robot qu'il tomba. Cette fois-ci, il commanda une eau minérale.
Il n'eut guère plus de succès dans le troisième établissement où il pénétra. Il se retrouva dans une salle voûtée un niveau au-dessous de l'entrée, au milieu d'un public silencieux écoutant un Exo d'une repoussante laideur déclamer un texte qui, l'hatani devrait l'apprendre plus tard en consultant les banques de données du bord, était en fait un poème d'origine vogonne, approximativement traduit en Univerlan :
"O blas bougriot glabouilleux,
Tes micturations me touchent
Comme des flatouillis slictueux
Sur une blotte mouche.
Grubeux, je t'implore,
Car mes fontins s'empalindroment...
Et surrénalement me sporent
De croinçantes épiquarômes.
Ou sinon... nous t'échierons dans les gobinapes
Du fond de notre patafion.
Tu verras si j'en suis pas cap !"
En ayant assez entendu, Virik Kiikti décida de tourner les talons avant que ses oreilles ne se mettent à saigner.
Il pensa être enfin parvenu à ses fins dans le quatrième établissement.
Il y avait peu de clients, le tenancier du bar avec lequel il engagea la conversation lui confia à demi-mots que les individus qui souhaitaient échapper aux foudres de la loi allaient généralement se perdre dans les soubassements de la ville brune, la moins peuplée de toute la station. L'essentiel des complexes industriels étaient des usines robots entièrement automatisées, et les niveaux inférieurs étaient dépourvus de gravité artificielle, l'apesanteur étant requise pour leur production. Virik Kiikti continua à interroger l'individu qui se tenait derrière le bar, faisant des gestes vagues à l'intention des Êtres, tous des femelles (apparemment ?), qui tentaient de lier connaissance avec lui. L'une après l'autre, trois humaines, une malachite, une haecar et même une xipehuz, toutes peu vêtues, vinrent s'asseoir à côté de lui et demandèrent à se faire offrir une consommation. Au bout de dix minutes de ce petit manège, le propriétaire des lieux se pencha au-dessus du comptoir et dit à l'hatani sur un ton agacé :
"Bon, Félix, j'vais pas t'faire la causette pendant des heures. T'en choisis une et vous montez, maintenant."
La compréhension soudaine de la nature réelle de l'établissement fut comme une explosion de lumière sous le crâne de Virik. Il bredouilla quelques mots et prit congé.
Il continua sa "tournée" des établissements de la ville rose avec le même insuccès, et finit par renoncer à mettre la main sur un individu recherché lors de cette escale.
Le juge hatani s'enfonça donc dans les bas-fonds d'Elikale. Il commença par faire le tour des quartiers périphériques de Fuschia, la cité des loisirs. Dans les faubourgs de la ville rose, les plus éloignés du luminaire artificiel suspendu au sommet du dôme, les ruelles étaient plongées dans la pénombre, et les holo-néons aux couleurs criardes et au goût douteux des établissements les moins recommandables de la station essayaient d'appâter le chaland en goguette : touristes venus s'encanailler, négociants en affaires louches venant sceller un accord suspect, adminteks de la ville blanche cherchant à se défouler après leurs journées de travail.
La première boîte de nuit où il pénétra était occupée exclusivement par des humains. Il fendit la foule qui s'agitait sur la piste de danse pour s'approcher du comptoir, avisa les regards et les froncements de sourcils tout autour de lui. Le barman auquel il s'adressa marmonna sur un ton peu commercial :
"Kesskiveu, le greffier ?"
Tout en sirotant son habituel jus de prune, Virik Kiikti tendit alternativement une oreille puis l'autre, saisissant des bribes de conversations aux alentours, qui pouvaient par la plupart se résumer par :
"Putain d'exo... Qu'est-ce que c'est qu'il fout là ?"
Il jugea plus prudent de rapidement terminer sa consommation et de s'éclipser. Le deuxième night-club où il s'arrêta avait une clientèle plus cosmopolite, mais lorsqu'il parvint enfin au bar après avoir une nouvelle fois louvoyé sur le dance-floor, c'est sur une paire de barmaids-robot qu'il tomba. Cette fois-ci, il commanda une eau minérale.
Il n'eut guère plus de succès dans le troisième établissement où il pénétra. Il se retrouva dans une salle voûtée un niveau au-dessous de l'entrée, au milieu d'un public silencieux écoutant un Exo d'une repoussante laideur déclamer un texte qui, l'hatani devrait l'apprendre plus tard en consultant les banques de données du bord, était en fait un poème d'origine vogonne, approximativement traduit en Univerlan :
"O blas bougriot glabouilleux,
Tes micturations me touchent
Comme des flatouillis slictueux
Sur une blotte mouche.
Grubeux, je t'implore,
Car mes fontins s'empalindroment...
Et surrénalement me sporent
De croinçantes épiquarômes.
Ou sinon... nous t'échierons dans les gobinapes
Du fond de notre patafion.
Tu verras si j'en suis pas cap !"
En ayant assez entendu, Virik Kiikti décida de tourner les talons avant que ses oreilles ne se mettent à saigner.
Il pensa être enfin parvenu à ses fins dans le quatrième établissement.
Il y avait peu de clients, le tenancier du bar avec lequel il engagea la conversation lui confia à demi-mots que les individus qui souhaitaient échapper aux foudres de la loi allaient généralement se perdre dans les soubassements de la ville brune, la moins peuplée de toute la station. L'essentiel des complexes industriels étaient des usines robots entièrement automatisées, et les niveaux inférieurs étaient dépourvus de gravité artificielle, l'apesanteur étant requise pour leur production. Virik Kiikti continua à interroger l'individu qui se tenait derrière le bar, faisant des gestes vagues à l'intention des Êtres, tous des femelles (apparemment ?), qui tentaient de lier connaissance avec lui. L'une après l'autre, trois humaines, une malachite, une haecar et même une xipehuz, toutes peu vêtues, vinrent s'asseoir à côté de lui et demandèrent à se faire offrir une consommation. Au bout de dix minutes de ce petit manège, le propriétaire des lieux se pencha au-dessus du comptoir et dit à l'hatani sur un ton agacé :
"Bon, Félix, j'vais pas t'faire la causette pendant des heures. T'en choisis une et vous montez, maintenant."
La compréhension soudaine de la nature réelle de l'établissement fut comme une explosion de lumière sous le crâne de Virik. Il bredouilla quelques mots et prit congé.
Il continua sa "tournée" des établissements de la ville rose avec le même insuccès, et finit par renoncer à mettre la main sur un individu recherché lors de cette escale.
"Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie."
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)
(Troisième Loi de l'Architecte Clarke)