Redwone

[Sémirande]

[Précise]
« On a encore une heure dix ».
Mais ils tournèrent les talons avant que ces voix précipitées dans les flammes de l’enfer ne les affectent trop.



Leur bulle repartit à la verticale, très haut, et franchit « les falaises ». Malgré la lumière verticale qui « aplatissait » le paysage, ils virent que c’était effectivement une muraille qui protégeait les rocailles arides et tourmentées qu’ils survolèrent ensuite. Leur vol dura peu. Ils se posèrent sur une esplanade beaucoup plus fréquentée, nichée au creux d’un cirque d’origine volcanique. Une vingtaine d’engins étaient au sol, principalement des transports de touristes. Ce n’est qu’une fois au sol qu’ils virent l’entrée de la vaste caverne objet de leur prochaine visite. Lorsque madame Chalmak ouvrit la verrière, la sensation d’étouffement ne les saisit pas. Le cirque rocheux était climatisé, et les 30° Celsius étaient très supportables. Bon, par contre il n’était pas pressurisé.

L’entrée était taillée dans une veine affleurant de cette marbonite mentionnée plus haut. C’était un hall sobre et beau, éclairé par luminescence de l’air. Un logimec guide s’approcha et perçut un modique droit d’entrée dont la navyborg demanda à monsieur Edelman de s’acquitter sur le compte de Lucifer Transports. Leur guide, qui employait un ton assez didactique, commença par l’historique du lieu, la découverte de la cavité par des mineurs, son classement immédiat, son aménagement lent et méticuleux. Puis ils furent invités à embarquer dans une nacelle de visite.

Ils commencèrent par descendre lentement un plan incliné qui quittait la veine de marbonite et s’enfonçait dans la roche. Ce fut bref. Ils arrivèrent au jardin de pierre, plus connu sous le nom de « petites mares ». C’était un entrelacement de cavernes à demi inondées de cette eau si rare sur Bygred, et tellement salée que les gens du cru déroutaient des comètes pour leurs besoins. Ici, au fil des éons, des cristaux sublimes avaient poussé. Des bouquets noirs comme la malachite, des arbres minéraux bleus comme le saphir, des cactées rouges comme le rubis, de petites plages pailletées d’or et de platine. Même le sable rouge qui avait réussi à pénétrer ici s’était paré de reflets rubiconds.

La nacelle passa de grotte en grotte à vitesse très modérée. Leur guide leur en expliqua la raison :

Dès l’ouverture du site, des craintes ont vu le jour pour sa pérennité. Tout ici est fragile : les fleurs de roche, l’eau, la structure même des cavernes, qu’il a fallu renforcer et qu’il faut constamment surveiller. Voyez ce bouquet d’hématites de deux mètres de haut…

…que son environnement vienne à évoluer et il se désagrègerait très vite. C’est pourquoi la vitesse des nacelles est limitée. Des champs de confinement étouffent tous les bruits que nous émettons. Il vous est, vous le savez, interdit de descendre tout au long du parcours. Même les ingénieurs sont soumis à cette règle, et ne peuvent intervenir que via des logimecs et des formecs spécialement conçus.
Nous allons maintenant passer sous la claire-voie.

La demi-heure qu’ils s’étaient accordés était presque écoulée. C’est à peine s’ils eurent le temps de voir cette caverne que les rayons de Redwone parvenaient à atteindre à travers un plafond de cristal translucide totalement naturel.

C’était très frustrant. Ne jamais avoir le temps de s’arrêter, devoir toujours bâcler les choses ; en l’occurrence cette visite des « petites mares », qui prenait d’habitude entre deux et six heures. Cela dit, l’équipage du Méphisto n’était pas à plaindre.

Ils redécollèrent vingt-cinq minutes avant le rendez-vous de monsieur Balser, qui fut largement dans les temps.