[En route !]
Il fallut trois heures pour terminer les préparatifs de départ. Vraïm Ocano mit à profit une partie de ce délai pour faire les honneurs de son aérostat à ses hôtes. Ils ne visitèrent pas l'ensemble de la cité, bien sûr : cinquante ponts empilés les uns sur les autres, dont certains s'étendant sur toute la longueur du dirigeable, celà faisait un certain volume. L'aménagement intérieur combinait poutrelles métalliques et cloisons de planches de nacrel ou de vannerie semblables à de l'osier, mais ce n'était en rien un assemblage de bric et de broc. L'éclairage était assuré par de grandes baies de transpacier dans les secteurs proches de l'enveloppe, et par des lampes halogènes dans le reste de la cité. Des tubes souples et d'autres conduites plus rigides, garnis de robinets et valves, couraient le long de tous les couloirs, tels les boyaux de quelque animal géant. Le capitaine de Temuera confia à ses hôtes que nul ne savait le nombre exact de kilomètres de coursives que comptait la ville flottante.
La structure interne de l'aérostat s'apparentait à celle d'un oignon, chaque pont pouvant être isolé en cas de fuite, et sur un même pont, les quartiers pouvaient se couper les uns des autres. Aucun passage longeant la coque extérieure ne présentait plus de dix mètres en ligne droite, afin de casser le vent en cas de brèche. Il arrivait fréquemment qu'un secteur entier soit réaménagé, en fonction des besoins d'entreposage ou d'hébergement. C'était ce que les Pourvoyeurs avaient fait pour accueillir l'équipe de Jarid Moray et son escorte. Chacun avait sa propre cabine, bien plus exigue que leurs suites et quartiers à bord du Lilith, et dotée d'un confort minimal : une couchette, une tablette et un lavabo dont l'eau était à la fois puisée dans les réservoirs de bord et récupérée par les collecteurs d'humidité ambiante dont ils avaient pu voir les gouttières d'écoulement lors de leur visite. Leurs cabines étaient toutes sur le même pont que celle du capitaine, où se trouvait également la dunette de commandement de la cité-dirigeable.
Vraïm Ocano les laissa une heure avant l'appareillage, leur montrant un poste d'observation depuis lequel ils pourraient contempler la manoeuvre. Ceux qui s'y rendirent à l'heure dite y rencontrèrent un membre d'équipage qui les salua d'un hochement de tête avant de reporter son attention à l'extérieur, surveillant les derniers préparatifs par un grand hublot circulaire. Il se tenait à côté d'un haut-parleur fixé à la paroi qui crachottait de brefs messages sur un mode interrogatif et il répondait tout aussi brièvement dans un micro pourvu d'un curieux fil, entortillé sur lui-même. Des bruits divers résonnaient aux alentours, craquements, claquements, chuintements, sirènes d'avertissement, ordres aboyés entre membres d'équipage.
Et puis enfin, il y eu un sifflement modulé dans le haut-parleur, dont l'écho se répercuta d'un bout à l'autre de la ville flottante, retransmis par les interphones ou directement par des Manoeuvriers équipés de trifflets. Une légère vibration se fit sentir sous leur pieds, le grondement lointain des réacteurs parvint à leurs oreilles, puis l'oscillation du pont devint de moins en moins perceptible. Au bout de quelques minutes, la cité-dirigeable dut virer de bord, car les épaves des Classes V suspendues sous leurs ballons captifs apparurent d'un côté du hublot circulaire du poste d'observation, déjà éloignées de plusieurs kilomètres, et traversèrent lentement leur champ de vision. Encore une demie-heure, et le Manoeuvrier les salua de nouveau avant de sortir du compartiment.
Ils étaient en route.
[Au travail]
Il fallut un peu plus d'une journée à Temuera pour atteindre le front qui séparait la bande-fille d'où il était parti de la Bande Cardiale, le couloir nuageux équatorial. La traversée dura deux longues heures, plutôt éprouvantes pour les systèmes digestifs en raison des turbulences qui agitaient l'atmosphère. Les tempêtes les plus violentes auraient sans doute emporté l'immense cité-dirigeable comme un fétu de paille, si les Navis assistés d'un Piloteur ne les avaient pas soigneusement évitées.
Virik Kiikti Wrote:Il était presque certain qu'il n'allait pas vomir.
Va savoir... :mrgreen:
Ils émergèrent de l'autre côté du front sans encombres. La ville flottante continua cap au Nord pendant une autre journée. Au matin de leur troisième journée sur l'aérostat des Pourvoyeurs, tandis qu'ils prenaient leur petit déjeuner avec le capitaine Ocano, ce dernier leur annonça :
"Aujourd'hi, les Calfateurs ont prévu d'émonder le verlichen de l'enveloppe et de couper la barbe fongeuse qui s'est développée dans les ponts inférieurs. Le spectacle devrait vous intéresser. Je me suis arrangé avec le Maître de caste, et ceux d'entre vous qui le souhaitent pourront prendre part aux opérations d'entretien."