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L'autre Tracevide - Sémirande - 2012-12-17 [Zen] Sémirande avait parfaitement suivi les échanges de tirs entre les deux Tracevide et leur Lilith. Elle avait ressenti dans son corps cybernétique l'ébranlement causé par l'impact sur la coque. Cela n'avait pas le moins du monde affecté sa concentration. Non pas qu'elle ignorât la peur. "Seuls les idiots n'ont pas peur !" aimait-elle à répéter. Mais assister à un combat, impuissante, enfermée dans un habitacle, un hangar, si ce n'était tout simplement sa cabine, cette situation lui était familière. On s'habituait Mais cela ne laissait jamais indifférent. Une règle d'or dans ce cas était de s'occuper le corps et l'esprit ; et pour l'heure elle était servie. Sémirande était une Navyborg expérimentée, mais jamais elle n'avait ressenti le pilotage à la façon d'un Gurvan, pour lequel le vaisseau était une extension de son corps. Lui tendait un bras pour pointer un scanner, marchait ou courait pour faire s'avancer son engin, s'agenouillait pour le mettre en vol stationnaire. Sémirande, elle, devenait la machine, son corps disparaissait quand elle pilotait. Elle était le vaisseau. C'était deux façons de concevoir cette discipline, et l'une valait bien l'autre. Pour le Méka, le problème se posait différemment, à cause de l'anthropomorphisme de la machine. Sémirande se concentra un moment, repassant calmement les milliers de lignes du mode opératoire pour s'en imprégner une fois encore. Cependant, elle termina cette opération en murmurant "N'oublie pas que ce sont tes jambes tes bras, tes mains." Cela fait elle éteignit tous les affichages, jusqu'à la plus petite lumière, et activa son engin. Il lui sembla grandir d'un coup, et bien que le hangar fut plongé dans l'obscurité, elle le vit distinctement se réduire aux dimensions d'une boite tout juste suffisante pour contenir ce second corps mécanique... Bien. Elle dépressurisa le hangar, non pas en vidant l'air vers l'extérieur (ce qui aurait provoqué un nuage de vapeur trop reconnaissable) mais en le faisant réintégrer les réservoirs de Lilith. Et l'air contenu dans l'habitacle suivit le même chemin. Cela prit trente secondes. Ouverture des portes. Il n'y eut pas de vantaux pivotant avec majesté. C'était plus moderne que cela. Cette partie de la coque était énergisée de façon très particulière. Elle disparut simplement, tandis que la lumière du soleil entrait à flot dans cette encoche où le Formec, maintenant bien visible, commençait à plier ses jambes. Oui, parce que Sémirande ne voulait pas utiliser encore ses moteurs ioniques. D'abord le flux de particules brûlantes aurait pu salir voir endommager le fond du hangar. Ensuite, c'était tellement plus jouissif de... Les jambes se détendirent, et l'engin se propulsa dans le vide, en direction d'un astéroïde tout proche. Pas question de l'atteindre ainsi, certes, mais durant les quelques secondes qu'elle mit à atteindre la distance de sécurité qu'elle s'était fixée, la jeune femme se prit pour... non, rien, oubliez. Elle alluma les ioniques, dont la puissance était sans commune mesure avec les systèmes produits par les engins des débuts des ère spatiales. Elle ne donna qu'une impulsion, et sonda la surface grise qui s'approchait à bonne vitesse. De la roche (chondrites carbonées) et de la glace. Hum, de quoi fabriquer une jolie villa loin de tout ! se dit-elle alors qu'elle atterrissait mi freinant aux ioniques, mi pliant les jambes. La gravité était quasi nulle, évidemment, et c'est en rampant à moitié qu'elle se déplaça vers l'autre face située à cinq cent mètres. Nouvel appui, nouvel élan et nouveau saut, plus long celui-ci. Elle était très vulnérable maintenant. L'équipage du Tracevide bord à bord avec la Lilith devait être bien occupé. Mais celui que Gurvan avait envoyé dinguer à 150 km pouvait avoir récupéré plus vite. Pourtant... il y avait quelque chose d'immensément poétique à sauter ainsi de roche en roche, perdue dans le vide, voyant l'astéroïde qu'elle venait de quitter se transformer en un point lumineux tandis que l'aiguille de lumière qu'elle visait se rapprochait à son tour. Elle en oublia un moment le danger qui la menaçait et contre lequel elle ne pouvait rien : un coup de laser sur son Méka quasi-impuissant dans cette posture. A un moment, elle prit même deux ou trois précieuses secondes pour s'émerveiller des feux de Saint-Elme que les vents solaires faisaient naître sur sa carapace. Un moment surréaliste, entre joie enfantine et menace de mort. Elle s'approcha cependant sans incident de son objectif. Il était collé à un bloc de glace d'eau que les impuretés qu'elle contenait transformait en une sorte de pierre précieuse mandarine. Sémi regretta que l'astre solaire n'eût pas plutôt été blanc ou jaune, cela aurait donné un vert émeraude superbe. Le Tracevide devait avoir "morflé", mais pas tant que cela ; la preuve étant qu'il utilisait la masse gelée comme écran aux tirs éventuels de la Lilith. Il était donc encore manœuvrant et elle allait devoir être prudente. Utilisant elle aussi le gros glaçon comme écran, elle s'approcha, priant les dieux qu'ils ne la vissent pas par transparence. Sans utiliser les ioniques, elle atterrit sur la surface qui s'effrita, s'y enfonçant jusqu'aux genoux. Elle se dégagea cependant assez vite, et rampa de nouveau vers son objectif. Il y avait trois kilomètres à faire là, qu'elle parcourut du plus vite qu'elle put, ses mains prenant des prises dont une sur deux se désagrégeait. Se retournant, elle vit qu'un joli sillage de paillettes gelées s'élevaient au-dessus du chemin qu'elle s'était frayée. "Mèèèèr...credi !" Mais avec les ioniques cela aurait été pire. Encore une crête de glace et... non, il y en avait une autre derrière. Là, maintenant... eh bien non. Les petites crevasses se succédaient encore et encore et l'horizon si proche ne permettait pas d'appréhender correctement la distance restant à parcourir. Quand passer un coup de sonde actif, autant allumer la radio et dire "Coucou j'arrive !" Et brutalement, elle tomba nez à nez dessus. Il avait sorti des amarres matérielles pour s'accrocher au bloc, sans doute pour la même raison qui avait dissuadé Sémi d'utiliser ses détecteurs actifs : la discrétion. Elle décida de prendre une seconde ou deux pour mesurer la situation. Et évidemment ce fut à ce moment là qu'il commença à rétracter ses ancres. Sémirande poussa un cri sauvage en sautant d'une détente vigoureuse, et tous moteurs crachant, sur sa cible. Comme sur tous ces petits vaisseaux, ce devait être un pilotage arrière. Elle atterrit sur la coque, s'ancra et tira à l'endroit approximatif où devaient se situer une partie de l'avionique. Son canon laser était à bout touchant. Elle espérait que les systèmes n'étaient pas trop redondants, parce que là... Re: L'autre Tracevide - Gurv Hemmedeji - 2012-12-19 Lors du bref séjour de l'équipe sur Epsilon Agrippines, Pikachu, ainsi que Monsieur Antillès et Madame Chalmak avaient affectueusement surnommé le formec d'exploration de Lucifer Transports, avait été équipé d'un étourdisseur lourd fixé sur son bras gauche, et deux affuts orientables avaient été installés sur ses épaules, accueillant d'un côté un lance-missiles doté de six projectiles, et de l'autre un canon laser d'artillerie. La lueur des quelques voyants TriD flottant sur l'unique holo-écran du cockpitt palpita un bref instant lorsque la pile atomique du mécha délivra toute la puissance disponible au faisceau cohérent de radiations UV-X. La zone de la coque balayée par le tir à bout touchant de Sémirande ne rougeoya que le temps d'un battement de cils, fut portée à incandescence en quelques secondes, et se vaporisa dans la foulée. La lance laser continua son chemin dans les oeuvres vives du Tracevide, ravageant ce qui se trouvait derrière l'enveloppe d'hyperfilament. Du coin de l'oeil, Sémirande avait vu la tourelle du petit navire pivoter sur son axe tout en commençant à cracher un double faisceau d'une couleur bleue électrique caractéristique ; des lasers lourds gammas, comme ceux du Lilith. Elle allait déverrouiller les clamps magnétiques qui la retenaient à la coque pour se mettre hors de portée lorsque la tourelle s'immobilisa. Du bout de ses mains et de ses pieds de plastométal, elle sentit la vibration du moteur Varlet qu'on mettait en route. Son laser d'épaule continuait à déverser son flux d'énergie destructrice dans la machinerie du vaisseau. Ce dernier commença à s'écarter du bloc de glace auquel il s'était accroché. Et puis soudain, il y eut un violent soubresaut et il sembla à Sémirande que la coque se boursouflait comme sous l'effet d'une pression intérieure trop forte. Une explosion silencieuse projeta un éblouissant flash de lumière, un panache de gaz gelés et un flot de débris indistincts par la déchirure ouverte par son laser. Le Tracevide s'immobilisa à une cinquantaine de mètres de l'iceberg cosmique aux jolis reflets orangés, son pseudo delta-v totalement annulé par l'arrêt de ses propulseurs. Sémirande mit la suite de son projet à exécution : Pikachu était également équipé de base d'un désintégrateur industriel. Elle se déplaça donc le long de la coque jusqu'à l'endroit probable où devait se trouver le poste de pilotage de l'engin. Elle s'accroupit, déclencha d'une pensée le faisceau de forage et commença à balayer une large portion à peu près circulaire de l'enveloppe énergisée. Il ne passa rien pendant une dizaine de secondes, puis il sembla qu'une lèpre fluorescente se mettait à ronger la coque tandis que celle-ci se sublimait en poussière mono-atomique. Il y eut bientôt un trou obscur de deux mètres de diamètre dans le plafond du poste de pilotage, par lequel la mécanaute put scanner l'intérieur du navire. Deux corps. Signes vitaux critiques pour l'un, inexistants pour l'autre. Celui qui était encore en vie, avachi dans le siège de pilotage, tenait encore ce qui ressemblait à un gros étourdisseur. L'autre... Mieux valait ne pas en parler. Difficile de savoir ce qu'avait été cette charpie aqueuse étalée sur le plancher de la cabine dans un informe tas de vêtements imbibés de fluides rosâtres. Re: L'autre Tracevide - Sémirande - 2012-12-19 [...] Sémirande hésita une seconde, puis mit ses armes en position de sécurité. Elle ouvrit son habitacle, mais avant de sortir fit passer un petit bras manipulateur auxiliaire par l'ouverture. Il disposait d'une caméra avec laquelle elle s'assura qu'il n'y avait pas un éventuel troisième larron ou un formec en mode "automatique". Avec son corps de cyborg, une telle machine pouvait bien se "tromper" et lui faire passer un sale dernier quart d'heure. Rassurée, elle attrapa son wakizachi, une trousse de premiers secours sortit. Elle passa par l'ouverture, fut prise par la gravité artificielle et tomba jambes en avant. "Aïe !" Elle avait posé le pied sur un débris, un truc quelconque qui lui avait bien déchiré l'épiderme. N'en tenant aucun compte, elle se mit à progresser en sautillant vers le ou la survivante, au risque de se bousiller l'autre pied. Elle lui prit son arme des mains et la balança vers l'arrière. Pas moyen d'appliquer le kit de survie, la combinaison refusait de s'ouvrir. Bah, cette crapule survivrait bien comme cela. Sémirande vérifia rapidement si par hasard le minicom à hyperondes n'était pas activé, qui aurait pu malencontreusement relayer ses propos, puis : [Hertzien - courte portée] "Chalmak - second objectif pris - Un mort un blessé grave - demande secours pour le blessé - Chalmak terminé." Elle convertit ensuite l'antimatière, selon la procédure légale sur un vaisseau aussi endommagé. Puis elle passa un autre appel ] ... Quand ce fut fait, sourire aux lèvres, elle entreprit d'explorer un peu l'engin en attendant la Lilith. Son pied gauche se rappela à son bon souvenir. Aussi coupa-t-elle la gravité, et reprit son chemin vers la soute, flottant au milieu des débris. Re: L'autre Tracevide - Gurv Hemmedeji - 2012-12-20 Le survivant était un humain d'une trentaine d'années au visage taillé à la serpe. Sa joue droite était barrée d'une vieille cicatrice. Son minicom n'était pas activé. Il avait reçu un tir de blaster quasiment à bout portant et c'était un miracle qu'il soit toujours en vie, mais celle-ci ne tenait qu'à un fil. Comme disait un vieux proverbe humain, il n'y a de la veine que pour la racaille. De plus près (mais pas trop), il semblait que l'autre membre d'équipage de ce vaisseau avait été Xipehuz, avant de terminer en bouillie de matière organique. La soute où flottait maintenant Sémirande avait une capacité de trois tonnes. Ce Tracevide était vraisemblbalement le jumeau de l'autre. Comme l'autre navire, sa soute était quasiment vide, à l'exception des réserves de pièces détachées dans leurs caissons métalliques, et d'une sphère de deux mètres de diamètre. Sémirande consulta le compteur digital : la cartouche d'antimatière était vide. Le fond du compartiment offrait une vision de désolation : le tir du canon laser UV-X de Pikachu avait dû toucher quelque réservoir d'éléments légers qui avaient été transformés en plasma par le rayonnement énergétique et avaient brutalement explosé, soufflant les espaces techniques de proue. Un nom était tracé à l'holopeinture sur l'un des coffres de maintenance et les caractères d'univerlang n'avaient été qu'imparfaitement effacés : C..t.le Re: L'autre Tracevide - Sémirande - 2012-12-20 [Grumble] Coutil se dit Sémirande écoeurée par un tel symbole machiste. Quoique... Elle revint vers l'avant et entreprit de désangler l'homme et, si possible, de le sortir de ce cercueil en attendant Lilith. Re: L'autre Tracevide - Gurv Hemmedeji - 2012-12-21 L'homme était inerte, inconscient, les paupières entrouvertes sur des globes oculaires révulsés. Sémirande n'eut aucune difficulté à le détacher de son fauteuil de pilotage et à le tirer à l'extérieur du Tracevide. Vu sa taille et son poids, elle aurait même pû le caser dans le compartiment logistique du formec et revenir au Lilith par ses propres moyens. Mais le grand navire approchait à vitesse réduite pour venir les récupérer. Il serait là dans trois minutes environ. La suite. |